Un très célèbre gérontologue dénommé Jaber F. Gubrium a écrit que « la maladie d’Alzheimer se caractérisait essentiellement par l’exclusion ». En effet, l’individu qui développe cette maladie peut paraître « exclu » de lui-même par la perte de ses souvenirs et de ses repères, et de la société par son incapacité grandissante à échanger des informations.
Les propos incohérents parfois tenus par le patient échappent à notre logique, mais ne sont pas pour autant dénués de sens. La plupart des psychologues qui travaillent avec des patients atteints de maladie d’Alzheimer s’accordent à dire que l’entourage doit s’efforcer de respecter voire de décrypter le sens de ce discours afin d’y apporter une réponse qui sortira le patient de son isolement ; de nombreuses techniques adaptées à cet exercice difficile ont été élaborées, en voici quelques-unes :
La réminiscence et le réexamen de la vie
Ces théories, développées dans les années 60, reposent sur l’idée que la vie consiste en une succession d’étapes dont chacune met le sujet face à un défi. La maladie d’Alzheimer comporterait une résurgence des défis non-relevés, et ce sentiment de défaite serait source de l’ anxiété majeure souvent retrouvée chez ces patients. Les techniques de réminiscence ou de réexamen de la vie, très proches l’une de l’autre, consistent en des groupes de parole, menés par un psychologue qualifié, qui mettent à plat des souvenirs enfouis pour lever cette chape d’angoisse.
L’orientation vers la réalité
Cette technique suppose que toutes les personnes en contact avec le patient rappellent plusieurs fois par jour à ce dernier la date, le lieu, mais aussi des événements précis de sa vie . A une dame de 90 ans qui dira « Je dois aller voir ma mère », il faudrait répondre « Vous avez 90 ans, votre mère est morte depuis longtemps ». L’inconvénient essentiel de ce type de théorie est d’accroître l’anxiété du patient, et de ne pas pouvoir être utilisée chez les patients très touchés par la maladie.
La remotivation
Elle repose sur des réunions hebdomadaires animées par des personnes formées à cette technique, au cours desquelles on discute de faits ultra-concrets ( les vacances, les animaux familiers…). L’accent est mis sur l’observation pratique du monde environnant.
Les théories comportementalistes
Le comportementalisme suppose que nos gestes, voire nos pensées, sont sous l’influence de stimuli extérieurs ; l’exemple le plus frappant est donné par Pavlov qui démontra qu’un chien chez qui on associe une sonnerie à la délivrance de nourriture salivera dés qu’il entendra ce son, avant même de voir sa pâtée. Des techniques comportementalistes s’efforcent de rééduquer les patients en associant, par exemple, l’émission d’un son au fait d’aller aux toilettes, afin de les rendre continents.
La psychothérapie
Elle repose sur une relation verbale entre le patient et son thérapeute afin de dégager des sentiments et des faits importants dans sa vie passée. Elle permet surtout aux patients peu engagés dans la maladie de vivre le moins mal possible la perte de leurs souvenirs et de leurs repères.
La validation
Théorie élaborée entre 1963 et 1980 par Naomi Feil, sociologue américaine spécialiste des personnes âgées, elle constitue sans doute la méthode de communication la plus élaborée et la plus humaine développée à ce jour. Elle repose sur une attitude de respect et d’empathie à l’égard des patients, quel que soit le stade de leur démence, et comporte des techniques simples pour comprendre et aider les patients, et leur éviter de sombrer dans un état végétatif. La connaissance de la vie du sujet avant sa maladie, le questionnement bienveillant de celui-ci, l’utilisation du toucher à certaines étapes, d’une distance respectueuse à d’autres, émettent un lien de confiance propre à sortir le patient de son anxiété, de son délire ou de son mutisme, selon les cas.
L’ensemble de ces méthodes de communication poursuit un but commun : permettre au patient de ne pas se murer dans la maladie. Elles insistent toutes sur l’humanité à témoigner constamment au patient, et, à ce titre, la technique de Validation respecte particulièrement la logique intrinsèque du discours et des actes des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer, et devrait être davantage connue de ceux qui aiment, aident ou soignent ce type de patients.